"Les incroyables oeuvres d'Anne van der Linden" Beware magazine - octobre 2022

Les œuvres culottées d’Anne Van Der Linden
Fin des années 50, Anne Van Der Linden née de l’autre côté de la Manche, à Bromley, d’une mère juive polonaise et d’un père belge. Elle grandit dans un climat violent où elle va se créer un imaginaire fantastique peuplé de monstres merveilleux et sexués. 
Dès l’adolescence, elle s’amuse avec des collages et des broderies représentant des sexes féminins ressemblant à des algues, des bouches, des organes… A cela, Anne Van Der Linden va y ajouter le monde animal, créant alors des créatures surréalistes. 
Autodidacte, elle suit des cours aux Beaux-Arts de Paris sans pour autant y trouver la capacité de développer son propre style artistique qui lui donne déjà sa « mauvaise réputation ». Elle explique au Brain Page que ses « dessins personnels étaient mal vus par les autorités locales », considérés « comme des petits fantasmes à écarter ».
Les Beaux-arts étaient alors à l’opposé de ce que j’avais besoin d’exprimer. J’ai surtout décidé de partir, quand j’ai compris que les cours finissaient par m’inhiber totalement. Pour moi créer vient des tripes, il n’y a rien de théorique, et la réflexion peut s’avérer paralysante, au contraire le laisser aller génère les images, et permet l’exploration intime des pulsions et des sentiments. 
Après être passée par une période abstraite où elle souhaitait trouver une forme d’expression pure, Anne Van Der Linden dit s’être « foirée, embourbée dans la matière ». Elle est donc retournée à cet art qu’elle imaginait enfant, faisant gicler sur ses toiles ses fantasmes, rêves et cauchemars, sous une couche d’outrance jamais dénuée d’humour. 
Aujourd’hui, elle édite également la revue semestrielle, Freak Wave, qu’elle a créé avec l’artiste Olivier Allemane et dont tous les collaborateurs sont issus de la culture underground ou alternative.
Des œuvres aux multiples thématiques et influences
Le style d’Anne Van Der Linden s’est affûté au cours des années. Mais si ses coups proches de la gravure ont gagné en liberté, son inspiration demeure toujours la même. Ses œuvres s’empilent sous une palette émotionnelle violente, composées de corps figés dans des postures indécentes et compromettantes, parfois même absurdes. Elles reflètent alors l’excès des pulsions, semant l’angoisse et l’horreur ou, subrepticement, le bonheur. 
Anne Van Der Linden a rapidement fui le contexte des Beaux-Arts où elle y a rencontré le machisme pour poursuivre dans son propre langage graphique et pictural. Elle se révèle alors dans une figuration licencieuse et rejoint volontiers le club des hérétiques qui compte Frida Kahlo ou Roland Topor. 
Ses œuvres fourmillent de femmes au corps puissants, de meurtrières et nourricières qui s’adonnent à différents sévices sur des mâles rarement consentants. Le tout empreint aux influences italiennes ou flamandes dans la mise en scène et la composition qui transposent des symboles et motifs universels dans la recherche d’harmonie.
 Ses créations semblent jumeler la joie et la douleur, narrant des comptes à rendre le spectateur insomniaque. Rappelant les œuvres médiévales, Anna Van Der Linden crée un monde fantastique – fantasmagorique – où le corps de la femme est exploré au milieu d’étranges histoires d’amour sacrificielles. 
Les animaux ont aussi une très grande place dans l’œuvre de l’artiste, tantôt dans le décor, tantôt commentateurs muets, tantôt extensions du corps humain. Anne Van Der Linden se fait alors narratrice des plaisirs et des situations extrêmes en associant la femme et l’animal, créant alors différents niveaux des passions qui demeurent en nous.
Elle capte avec justesse le besoin de se sortir du quotidien rationnel, en composant des scènes presque irrationnelles, jouant sur les aspects de proies et de prédateurs.