Un portrait dans la revue Fluide Glacial par Thomas Bernard - Avril 2020


Née de l’autre côté de la Manche à la fin des 50’s, Anne Van Der Linden a un parcours qui tient plus de la descente aux Enfers que de l’ascension de l’Alpe d’Huez; désertion du giron familial, carapatage loin des beaux arts, expos dans des squats, éditions alternatives, banlieue et précarité. Mais à chacun sa croix - même si c’est à l’envers qu’elle doit se porter - ça n’empêche pas notre Circé de la Zone de se tailler une (mauvaise) réputation à la force du poignet.
Jeune peintre vouant un culte à l’abstraction, elle se défroque viteuf pour la figuration licencieuse et rejoint volontiers ce cher club des hérétiques qui compte Frida Kahlo et Roland Topor comme membres honorifiques. Dès les années 80, elle se coltine la scène underground avec le chanteur et perfomer de l’Apocalypse Jean-Louis Costes pour qui elle réalise des pochettes de disques et des décors entre deux prestations dans des « comédies musicales porno sociales ». Son style s’affûte au fil des années de galère - le trait autrefois proche de la gravure s’affine et les coups de brosse gagnent en liberté - mais l’inspiration transgressive reste la même : des femmes au corps puissants, meurtrières et nourricières, s’adonnent à différents sévices sur des mâles rarement consentants. Des visions blasphématoires et sacrilèges sur fond de décors domestiques où la Miss Sade du 93 débite tous les tabous (torture, mutilation, infanticide cannibalisme, auto dévoration et zoophilie) comme d’autres égrènent leur chapelet.
Pour exorciser nos pulsions les plus inavouables, cette Sybille en ZUP décortique la nature humaine à même la toile, trifouille les viscères avec le majeur, gratte la plaie du bouts des ongles et appuie très fort histoire que le pus en sorte. Et ouais, notre âme comme la peinture, ça sent toujours un peu mauvais.
Si la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe, ça m’étonnerait fort qu’elle rate la ville rose. Alors si tu veux ta dose de maléfices pour les mirettes, enfourche ton balai et file direction les Pavillons Sauvages, au 35 avenue Jean Dagnaux (Toulouse) tu auras 1 mois pour te laisser envoûter par les oeuvres d’Anne Van Der Linden, (les nouvelles dates seront communiquées à la fin du confinement). Sinon prend le trom pour le 1 avenue de Messine dans le 8 eme arrondissement de Paris, AVL se dédouble à la Galerie Frederic Roulette à partir du 5 juin.