Un article dans la revue bruxelloise Mu in the city par Gilles Bechet - décembre 2019

Avec sa palette colorée et expressionniste, ses corps massifs, elle revisite tous ces métiers que l’on croit connaître, la jardinière, le balayeur, le bûcheron, le facteur ou la trayeuse. Dans cet univers peuplé de femmes fortes et d’animaux, les personnages ne manifestent pas d’expression, comme si tout ce qui leur arrivait était naturel. Le chaos charnel qui est mis en scène est un miroir sans fard à tous les fantasmes, et il ne doit pas être vu comme un manifeste de contestation politique ou de revendication morale, mais plutôt comme des variations autour de contes libérateurs et libertaires. Chacune de ces toiles fourmille de détails qui tirent le fil d’une histoire encore à raconter.

Depuis qu’elle a abandonné l’abstraction, Anne Van der Linden a développé un style très personnel, croisement improbable entre Clovis Trouille, James Ensor, le muralisme mexicain et Robert Crumb. On peut également y voir, surtout dans les dessins noir et blanc, une parenté avec Topor. Artiste solitaire, la française a fréquenté brièvement les beaux-arts de Paris avant de s’épanouir dans le riche humus de la culture alternative, suscitant l’intérêt de collectionneurs avisés et dernièrement de quelques institutions muséales.

C’est à la demande de la galerie bruxelloise qu’Anne Van der Linden a réalisé sa série des Petits Métiers. E2/Sterput est un projet associatif développé en vue d'exposer et diffuser des artistes peu représentés et soutenir l’accès à la culture par une ouverture sur le quartier et l’organisation régulière d’ateliers avec des publics fragilisés.

S’il y a une grande cohérence dans le propos d’Anne Van der Linden, il y a aussi grande diversité de supports et de techniques qui passent des gravures et du dessin à l’encre de Chine, au crayon ou aux toiles acryliques. Elle expose également de nombreuses sérigraphies sur papier et sur des supports plus surprenants comme des cartes géographiques ou des mouchoirs. Le lieu, qui abrite également l’Atelier de l’Appât, est une plate-forme de la microédition. Petits Métiers, comme chacune des expositions de la galerie, s’accompagne de l’édition d’un ouvrage et d’une sérigraphie en tirage limité.
Gilles Bechet